Forum - Spiritualité et croyances - Chamanisme: témoignage


Connectés : ( personne )

  Sujet n° 100
le 19/11/2010 : 0:51 PM
par Erin
 

“J’ai été initiée au chamanisme”
 
Lors d’un stage, Elodie, 25 ans, a découvert une autre façon d’appréhender la nature et le monde à travers des rituels inspirés des traditions amérindienne et sibérienne. Depuis, elle tente de prolonger cette expérience dans sa vie d’urbaine pressée.

« Paris, gare de Lyon, je reprends pied dans mon univers quotidien. “Atterris en douceur”, me glisse Lisa, une stagiaire qui a fait le trajet du retour avec moi. Mon homme est venu me chercher à la gare, il la regarde, atterré. Il pense très fort : “C’est quoi cette secte ?” Je comprends qu’il tique : en me quittant, Lisa me serre dans ses bras comme si nous étions sœurs – nous ne nous connaissions pas il y a une semaine – et le salue à peine. Je ne vaux guère mieux de la gare à la maison : “Je te raconterai plus tard” est la seule phrase que je lui adresse. Je veux me concentrer sur la pluie. Une pluie comme celle-ci en plein mois d’août, c’est exactement ce que je voulais. Je ne suis pas loin de penser que c’est moi qui ai convoqué cette petite averse ce matin, quand les pratiques chamaniques me semblaient encore naturelles. Cinq jours dans le Larzac ont-ils suffi à faire de moi une apprentie chaman, qui croit qu’elle sait faire tomber la pluie ?

Remontons quelques mois en arrière

Autour d’un déjeuner, Noël, médecin et organisateur de rites primitifs, me présente le chamanisme comme un moyen de reprendre contact avec la nature et, ce qui m’intéresse davantage, comme une technique de soins. Etre chaman quand on est un Toungouse de Sibérie, je comprends, mais pratiquer le chamanisme quand on vit en France au XXIe siècle ! Pour en savoir plus, je m’inscris à l’une de ses sessions intitulée “Coïncidence, rêve et réalité mêlés”. A mon arrivée sur les lieux du stage, je suis soufflée par la beauté du site. Une ancienne résidence épiscopale avec champs, forêt et vue sur le plateau du Larzac. Au pire, je profiterai du cadre. Lors du premier dîner, je jauge mes compagnons. Nous sommes une quinzaine. Pas de babas cool ni de mystiques, le public est assez hétérogène : des hommes et des femmes, de 25 à 65 ans. Presque tous ont déjà eu une première approche du chamanisme, ils ont l’air heureux de participer à cette nouvelle semaine de rituels.

22 heures, le premier soir

Nous avons rendez-vous dans le grenier de l’une des dépendances. Je me perds et j’arrive presque la dernière. Les autres stagiaires sont assis en cercle sur un tatami, autour d’un autel, avec éventail en plumes, encensoir et percussions diverses. Question décorum, je suis servie. “Quel est le rêve qui vous a amené ici ?” C’est la première question à laquelle chaque stagiaire doit répondre quand le “bâton de parole” lui arrive. Un stagiaire explique qu’il a perdu le contrôle de sa voiture en se rendant au stage et qu’il a fait marche arrière alors qu’il voulait aller de l’avant ; d’autres racontent leur rêve de la veille ou des rêves récurrents. Moi, je ne comprends ni la question ni les réponses, et le bout de bois se rapproche. Quand mon tour arrive, j’improvise, je me présente comme une rêveuse prolifique, et hop ! je refile le bâton à mon voisin.
A la fin de ce premier “tour de rêves”, Noël signale que deux des songes racontés s’adressent à tout le groupe. Il y est question de tentative d’assassinat et de cambriolage. D’après le thérapeute chaman, ces rêves expriment les réticences que nous avons tous à venir ici pour nous défaire de nos problèmes. “Le stage a commencé”, annonce-t-il dans un grand sourire. Comment peut-il sauter de l’inconscient forcément personnel à un message collectif ? Je me méfie…

Deuxième jour, premier rituel

Nous sommes assis en rond, dos au centre. Postés à l’est du cercle, les animateurs commencent au tambour et au chant une mélopée que nous ponctuons en agitant des sortes de maracas. Chacun notre tour, nous sommes censés pénétrer dans le cercle et profiter de “l’énergie collective” pour ressentir un blocage qui nous empêche d’avancer. Alors que je suis sûre que rien ne se produira, quand je m’installe au centre, les yeux fermés, j’ai immédiatement l’impression d’étouffer. Je sens aussi une chaleur enveloppante, puis je visualise un lézard noir filant sur un mur jaune. Sensations furtives dépourvues de sens, mais sensations tout de même.

A la fin de ce premier exercice, chacun doit trouver un petit coin de nature pour démêler ce qu’il vient d’éprouver. Assise sur une souche, je reconnais cette impression d’oppression. C’est celle que j’ai ressentie le jour où j’ai dû choisir une formation au sortir du lycée. J’ignorais ce que je voulais faire, à tel point que j’ai fini en larmes dans les bras de la mère d’une amie, et j’ai finalement joué mon avenir à pile ou face. Je connais bien cette sensation : chaque fois que je suis face à un choix, je suffoque, incapable de renoncer à toutes les autres options. Ainsi ce rituel chamanique a-t-il réveillé chez moi une problématique familière. Du coup, je mets mon scepticisme de côté et je décide de jouer le jeu le jour, tandis que le soir j’essaie de comprendre en notant tout sur mon carnet.
Pendant les cinq journées que dure le stage, j’essaie donc de me débarrasser de cette entrave que je me suis fabriquée.

Au programme

Tours de rêves, confection d’un objet, visualisations, contacts avec des ancêtres familiaux ou des ancêtres plus génériques, sortes de guides spirituels. Alors que j’espérais et craignais à la fois que rien ne se passe, il se passe beaucoup de choses. Si je n’“entre en contact” avec aucun ancêtre, j’ai des visions. Entraînée par le battement des tambours – je suppose qu’il s’agit d’hypnose –, mais sans substances hallucinogènes, je vois fréquemment des animaux. Le lézard m’apparaît plusieurs fois pour marquer le début ou la fin d’une vision. J’apprendrai plus tard que, dans la cosmogonie amérindienne, le lézard est l’animal du rêve parce qu’il vit en permanence entre le sommeil et l’état de veille.

Durant le stage, nous avons tous fabriqué un objet symbolisant notre blocage. Le mien était formé de deux éclats de pierre, un noir et un blanc, liés par de la corde et agrémenté d’une traîne de feuilles comme autant de questions saugrenues, de remords anticipés, qui me polluent quand je dois prendre une décision. Le quatrième jour, alors que je transporte cette maudite sculpture, les deux chevaux qui vivent librement dans la propriété viennent à ma rencontre. Je leur donne à brouter la partie végétale de mon objet. La veille, lors d’un exercice, j’ai visualisé successivement une dent, un cheval et un triangle.
En glissant mon objet – triangulaire – entre les dents des chevaux, j’ai l’impression de donner un sens à cette vision, je crée mon premier rituel. A ce moment, je ressens une certaine jubilation, mais aucune “guérison miracle”.

Sur ce point, les organisateurs sont clairs, ces cinq jours ne remplacent pas une thérapie de fond. Si les chamans traditionnels sont des guérisseurs – mais pas seulement (lire plus bas) –, le néo-chamanisme tel que nous le pratiquons est de moindre ambition : nous y cherchons des éléments d’enrichissement intellectuel et d’épanouissement personnel. Lors du stage, nous travaillons à vivre mieux d’une façon que je n’avais jamais expérimentée. Nous ne ressassons pas nos difficultés, nous les léguons à la nature, qui se charge de les recycler pendant que nous travaillons à l’émergence d’un nouveau désir.
Je projetais de partir vivre au Japon, sans en être vraiment sûre, en me laissant la liberté de ne pas partir ou de revenir. Bref, à ma manière. Finalement, dans le Larzac, j’ai affermi ma décision de m’installer à l’autre bout du monde. J’ai surtout découvert une façon d’appréhender l’univers à la fois très simple et magique. En revanche, et contrairement à certains de mes camarades qui suivent les recommandations de guides rencontrés en rêve, je pense que les rituels et les objets que nous façonnons sont inspirés par notre seul inconscient. “Inconscient, guides, c’est la même chose”, m’assure Noël, tout est dans tout, y compris en chacun de nous. Intellectuellement, je le conçois, c’est la définition de l’immanence qui caractérise le chamanisme et l’ensemble des religions animistes par rapport aux religions monothéistes. Mais affirmer que je reçois des conseils d’un autre monde est un pas que je ne saurais franchir.

A mon retour

A mon retour, j’ai beaucoup lu sur le sujet. J’ai trouvé dans le témoignage de Maud Séjournant des suggestions pratiques dont je me suis inspirée pour m’inventer des exercices très simples que j’accomplis en secret. Je m’efforce d’être plus attentive à la nature. Je relève la tête quand la pluie, le vent ou la luminosité me plaisent, et je remercie le temps quand il me convient, ce qui peut me donner le sourire pour toute la journée. Je me demande aussi dans quelle direction je me dirige quand je me déplace. De chez moi à la poste : rapide coup d’œil sur le soleil, c’est le matin, il est à l’est, la poste est à l’opposé, je vais donc vers l’ouest. J’ai conscience de faire partie d’un tout en allant chercher une lettre recommandée !

Je suis devenue plus réceptive aux coïncidences. En bonne enfant de la psychanalyse, je suis persuadée que ces “signes” sont des messages adressés par mon inconscient, mais j’ai pris l’habitude de les noter et je m’amuse à tisser des liens entre ce que je vois, ce que j’entends et mes interrogations personnelles. Il y a quelques semaines, je monte dans une rame de métro, et m’assois à la première place disponible. En face de moi, une touriste japonaise arbore en pendentif un cheval d’une trentaine de centimètres. Je souris. C’est l’animal de la force et de la volonté dans le panthéon sioux, et il m’est apparu plusieurs fois durant le stage. Je décide d’en faire un signe pour mon départ au Japon. Et, cher lecteur, moi qui avais des difficultés à prendre une décision, j’ai franchi le pas. Grâce à la magie d’Internet, je vous adresse ce témoignage depuis Tokyo ! »

Chamanisme, chaman et néo-chamanisme

De saman (« moine », en langue toungouse), le chamanisme désigne un ensemble de techniques et d’expériences communes à différents peuples de Sibérie, des Amériques, de Scandinavie, d’Europe orientale, d’Asie centrale, d’Afrique du Sud et d’Australie aborigène. Tous les peuples « chamaniques » croient en un monde autre que le monde immédiatement perceptible, ils sont convaincus de l’importance de l’équilibre entre leurs actions et cet autre monde.

Le chaman est celui qui peut agir en accédant à ce monde. Pour cela, il est aidé par des guides qu’il rencontre en rêve ou lors de transes. Guérisseur, il peut aussi faire du tort à ses ennemis ou à ceux de sa communauté, nommer les enfants, faire tomber la pluie, etc.

Le néo-chamanisme, lui, est né dans les années 1960, sur la Côte Ouest des Etats-Unis. Ses premiers promoteurs, proches des hippies, voulaient apporter au monde occidental un contact direct avec l’univers. Depuis, des ouvrages, notamment ceux de Carlos Castaneda ou de Michael Harner, ont largement diffusé ce nouveau syncrétisme.

A lire

Le Chamanisme de Michel Perrin. Utile pour comprendre ce qu’est le chamanisme dans sa diversité, très critique vis-à-vis du néo-chamanisme (PUF, 2002).
Le Cercle de vie de Maud Séjournant. Le témoignage d’une Française qui s’est immergée dans la spiritualité amérindienne (Albin Michel, “Espaces libres”, 2001).
Le Cercle sacré d’Archie Fire Lame Deer. L’autobiographie d’un « homme-médecine » sioux (Albin Michel, “Espaces libres”, 2000).
Chamanisme et psychothérapie, ouvrage collectif sous la direction de Patrice Van Eersel et Didier Dumas. Un essai dont la plupart des contributeurs sont des thérapeutes pratiquant le chamanisme (Albin Michel, 1997).

http://www.psychologies.com/Therapies/D ... chamanisme
 
  
Réponse n° 1
--------
le 19/11/2010 : 0:54 PM
par Erin
 
visiteur
 
  
sujet actif   sujet clos   Important!   Nouveau  
Rectifier message   Clôturer sujet   Remonter sujet